L’agriculture africaine a un besoin urgent
d’investissements. L’Afrique veut assurer sa sécurité alimentaire. Mais les
programmes lancés pour contribuer à l'éradication de la pauvreté et à la
sécurité alimentaire et nutritionnelle de près de 550 millions consommateurs
défavorisés les rendent plus dépendants.
« Gouvernance foncière inclusive et juste
pour un développement durable : le temps de l’action » est le thème choisi
par la Coalition Internationale pour l’Accès à la Terre,
une alliance mondiale regroupant environ 150 organisations membres),
organisatrice du 6ème Forum foncier mondial tenu à Dakar du 12 au 16
mai 2015. Le temps de l’action, mais pour quels changements pour les
populations autochtones, rurales ou paysannes…? L’action doit aider l’Afrique à
assurer un de ses défis majeurs : la sécurité alimentaire. Pour atteindre
cette autosuffisance alimentaire, il faut initier des projets de sécurisation
foncière et de promotion de l’agriculture durable.
Ils doivent être
des leviers pour accéder à la sécurité et la souveraineté alimentaires. C’est
pourquoi en Afrique, et particulièrement au Sénégal, des organisations non
gouvernementales ou de la société civile promeuvent l'accès à des droits
fonciers sécurisés afin des cultures vivrières à l’échelle familiale. A ces
programmes s’ajoutent ceux financés par les États ou groupe d’États et les
multinationales. Le but ultime est de sortir les populations bénéficiaires de
la pauvreté.
Si le but de
toutes ces initiatives sont les mêmes, les procédés utilisés et les résultats
attendus ne répondent pas toujours aux besoins des populations ciblées. Ces
derniers font l’objet de nombreuses critiques. C’est le cas de la Nouvelle
Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (NASAN) lancée à la
réunion du G8 en mai 2012 qui offre de nouvelles opportunités aux entreprises
multinationales. Le Sénégal a adhéré à ce programme en 2013. « Les multinationales ne sont pas des
philanthropes (mécènes). Elles investissent pour avoir des
bénéfices et plus de droits. Ça peut entraîner d’autres formes de dépendance et
de colonisation», s’inquiète Zakaria Sambakhé, chargé de programmes
d’ActionAid au Sénégal.
ActionAid n’est
pas la seule association à avoir des craintes. En effet, le rapport « La faim un business comme un autre :
Comment la nouvelle alliance du G8 menace la sécurité alimentaire en Afrique »,
publié en 2014 par le CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et Action contre la
Faim, épingle également la NASAN. « Cette
initiative met en péril la sécurité alimentaire et nutritionnelle des
populations et porte atteinte au droit à l’alimentation des populations les
plus vulnérables », selon ce rapport basé sur des études menées au
Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
La
marginalisation des agriculteurs commence dès qu’ils sont très peu ou ne sont
pas impliqués dans l’élaboration des politiques ou réformes agricoles et
foncières. L’agrobusiness, déjà mal perçu dans certains pays, a l’occasion de
faire un retour en force. Et l’agriculture familiale et paysanne érigée comme
modèle de base de la sécurité alimentaire et nutritionnelle se retrouve
compromise. Imprégnées des réalités des populations desquelles elles
travaillent, les organisations de la société civile ont remarqué les effets
contraires de cette Alliance. « On
s’est rendu compte que les stratégies proposées ne pourront pas aider le
Sénégal et l’Afrique à atteindre la sécurité alimentaire », déplore Zakaria Sambakhé.
Des actions
doivent être mises en place pour freiner les conséquences de ce mécanisme qui
dérégulent les secteurs agricoles africains. Alors deux propositions se
dégagent : la réforme et l’arrêt de la NASAN. La première consisterait à
reformer la NASAN. Action Contre la Faim, du CCFD-Terre Solidaire et d’Oxfam
France qu’elle soit radicale. Il reviendra donc de faire du NASAN un projet
intégré comprenant l’amélioration des moyens de production, la collecte, la
transformation et la commercialisation. En clair, il s’agira de rendre la NASAN
transparente en tenant compte de la participation active de la société civile
qui aboutira à la meilleure traçabilité et à la recevabilité de l’initiative.
Ces organisations comptent également sur l’appui du gouvernement qui a souvent
critiqué cette alliance bien qu’étant un de ses trois premiers
contributeurs.
Par contre
ActionAid reste favorable la réorientation des financements et des engagements
politiques en faveur de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. ActionAid
suggère, par son chargé de programmes, l’établissement de « partenariats clairs qui profitent d’abord
aux communautés ». Les investisseurs agiront comme des mécènes en
remettant directement la finance aux paysans. Cette approche empêchera les multinationales
de posséder les ressources foncières qui ne leur seront plus automatiquement
données.
Deuxième
proposition. Au cas où, les différentes parties n’arriveraient pas à s’accorder
sur la réforme, il faudra tout simplement stopper la NASAN dans tous les pays
où elle a déjà lancé ses activités.. Une idée soutenue par ActionAid, alors que
le CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et Action contre la Faim préconisent
simplement le retrait de la France dès le prochain sommet du G8 qui se tiendra
en juin prochain.
Ce sont là des
actions déjà initiées. Étant donné que c’est « le temps de
l’action », et si les ONG gardent la même dynamique, ce constat ne sera
que le début d’une série d’actions. Car s’indigner n’est que le commencement. Stéphane
Hessel recommandait d’ailleurs d’agir après la manifestation de son
indignation.